Les voeux de Julien Dray
"Chères amies, chers amis, chers camarades,
On a connu changement d'année plus heureux. 2008 s'achevait avec la crise financière et l'inquiétude des Françaises et des Français face aux attaques en règle contre les services publics ; 2009 commence avec la désormais certitude d'une récession mondiale, et la résurgence du conflit israélo-palestinien, avec une violence que l'on n'avait plus connue depuis plusieurs années. Les perspectives toujours aussi sombres en matière de pouvoir d'achat et d'emploi ne facilitent pas plus l'optimisme. J'espère néanmoins que vous avez pu profiter de cette période des fêtes pour vous retrouver entre vous, avec votre famille, vos amis, pour goûter un peu de repos et de joie. Et je tiens à présenter, à vous, à vos proches, tous mes vœux de santé, de bonheur, de réussite, de courage aussi, car il en faudra, n'en doutons pas, pour répondre aux défis de 2009.
J'ai quant à moi traversé des moments difficiles, avec le déchaînement à mon endroit à l'occasion d'une enquête préliminaire transformée en lapidation médiatique. Il n'y a rien de pire que de voir son honneur livré en pâture à la vindicte de l'opinion, chacun lançant sa petite pierre, insinuation malhonnête ou allégation mensongère. Rien de pire que de voir des bribes de dossiers instrumentalisées pour instruire des procès à charge, au nom d'un prétendu devoir de vérité et d'information, qui n'est souvent que la pudeur du désir bien plus prosaïque de vendre du papier. Je peux comprendre que ceux qui ne me connaissent pas aient pu douter, ou prendre pour argent comptant les « révélations ».
Vous aurez bien compris que le calendrier de « l'affaire », de même que les suspects désignés, ne relèvent pas du simple hasard judiciaire. Mais je n'ai pas voulu crier au scandale, pour ne pas donner le sentiment que je me servais de mon statut politique pour faire diversion.
Je dois vous dire que j'ai été profondément touché par les très nombreuses marques de sympathie et d'affection que m'ont fait parvenir nombre de Françaises et de Français, élus, militants, sympathisants, socialistes ou non. Comme je n'ai pas encore eu le temps de répondre à chacun de vous, je vous remercie toutes et tous très sincèrement pour votre soutien, qui m'a aidé à traverser les premiers jours de cette épreuve. Dans pareil moment, la première envie est d'envoyer tout « balader », de se dire que ses idéaux politiques et militants ne valent pas tant de blessures et de sacrifices. Mais voir tant de camarades et d'amis témoigner leur soutien donne l'énergie, et le devoir, de lutter.
Cette affaire n'a pas qu'une dimension personnelle. C'est pour cela que je me permets de m'en expliquer assez longuement, et que je serai amené à le faire à nouveau très prochainement. Mais je sais aussi qu'il y a des problèmes et des soucis plus graves que les miens, et que le rôle d'un responsable politique, tel que je le conçois, est d'abord et avant tout de travailler à y répondre.
Je ne reviendrai pas sur la dureté de la situation économique et sociale, que nous constatons tous dans notre entourage, quand nous n'en souffrons pas directement. Elle est l'aboutissement des Vingt Perverses, ces années de dérégulation et de croissance non vertueuse, qui ont mis un terme à la progression des salaires et activé le descenseur social. La majorité présidentielle a jusqu'à présent échoué à y apporter une solution, s'entêtant dans son erreur originelle du paquet fiscal, et s'acharnant à désarmer l'Etat sans pour autant redynamiser le secteur privé. Les Français jugeront sur pièce les résultats du plan de relance initié par le Président de la République. Les socialistes et la gauche, eux, doivent très rapidement leur démontrer qu'une autre politique, plus juste et plus efficace, est possible et souhaitable. Car Nicolas Sarkozy, François Fillon et leur majorité ont largement fait montre de leur habileté politique et rhétorique.
Face à l'omniprésident qui a en quelque sorte réhabilité l'idée selon laquelle le pouvoir politique peut quelque chose - quelle que soit la réalité de ses échecs depuis un an - face au duo bien rôdé du Premier ministre de fer qui tient le cap des réformes dérégulatrices, et du chef de l'Etat qui prétend de son côté rassurer et régler tous les problèmes, le PS ne peut se contenter, moins que jamais, de céder à la facilité de la protestation permanente, de l'indignation morale, et des réponses politiques opportunistes et décousues. La nouvelle direction du PS doit, sans perdre de temps, rassembler tous les socialistes dans un esprit de fraternité et de camaraderie, en étant plus exemplaire qu'elle ne l'a été jusqu'à maintenant sur ce point. C'est ainsi que nous pourrons travailler collectivement à l'élaboration d'une ligne politique offensive. Non pas un programme de gouvernement, non pas une stratégie de communication, mais d'abord et avant tout une nouvelle idéologie et un nouveau militantisme pour la porter. Cette ligne politique devra s'appuyer sur une pensée économique renouvelée, fondée sur la conception d'un Etat-stratège, capable de nationaliser et de privatiser, et de favoriser l'émergence d'un nouveau cycle de croissance vertueuse et écologiquement responsable par la combinaison d'une politique de recherche, d'une politique industrielle et d'une fiscalité incitative.
Puisque la coutume fait de ce moment celui des bonnes résolutions, je me permets d'en prendre une pour nous tou-te-s : garder, dans nos cœurs et nos esprits, l'exigence pleine et entière de la justice sociale.
Julien Dray"