Paroles d'Yvelinois

Publié le par Martine

La situation politique

Par Philippe Marguerit

Les sondages
Faut-il croire les sondages ? Il faut les lire mais les considérer avec prudence et distance. Reflètent-ils l’opinion ou la créent-ils ? Les deux ! Ma conviction : Nicolas Sarkozy est surévalué tout comme François Bayrou ; Jean-Marie Le Pen est sous-estimé et quant à Ségolène … c’est plus difficile à dire. En fait, je pense qu’elle est sous-évaluée par rapport à Nicolas Sarkozy mais que la distance entre les deux premiers, Nicolas et Ségolène, et les deux suivants n’est pas si grande que les sondages le disent. Ce n’est là que mon opinion personnelle mais parfois j’ai l’impression qu’on va finir par nous sortir des chiffres sur 200% pour faire plaisir à tout le monde.

Nicolas Sarkozy
Qui est Monsieur Nicolas Sarkozy ? Un même visage pour 2 hommes (ou plutôt l’inverse !). Il y a le ministre (candidat) d’avant le 14 janvier qui mène une politique au gouvernement et le candidat (ministre) d’après le 14 qui cherche à recueillir le maximum de voix. Il a changé dit-il lui-même, conversion récente et ô combien opportune. Deux images du même homme, où est le vrai Sarkozy ? Il veut tellement être président qu’il y pense même en se rasant ! Mais pourquoi devenir président ? Pour lui ou pour la France et les Français ? Trop d’ambition personnelle dans cet homme ! Trop de violence dans cet homme politique ! Il est fondamentalement l’homme de la rupture (même si ce dernier mot ne fait plus partie de sa panoplie de communication.).
Rupture avec le Gaullisme. Petit caporal, « petit César » comme titrait il y a peu le journal Marianne. Brutus à coup sûr ! Giscard et Chirac, en 1974, ont donné ensemble le premier coup de couteau dans le dos du Gaullisme en écrasant Chaban-Delmas. Sarkozy achève l’œuvre aujourd’hui en cassant Jacques Chirac. Le gaullisme avait un certain intérêt. C’était une espèce de 3ème voix-voie dans le monde bipolaire de la guerre froide. C’était une espèce de capitalisme d’Etat qui souhaitait être à égale distance entre Washington et Moscou, entre Capitalisme et communisme. Sarkozy et son UMP sont très proches aujourd’hui des néoconservateurs américains, dans la pure tradition libérale des Reagan-Thatcher et de Bush 2. Rien qu’un exemple, si Nicolas Sarkozy avait été président au moment du déclenchement de la guerre en Irak, je suis convaincu que nous aurions envoyé des soldats français au côté des soldats américains. De Villepin n’aurait pas fait son fameux et bon discours à l’ONU. Un deuxième exemple de rupture politique : lorsque Jacques Chirac parle de « fracture sociale », c’est pour la dénoncer, au moins verbalement ! Mais Nicolas Sarkozy est lui, l’homme de la fracture sociale renforcée ! Les jeunes, les banlieues sont ses ennemis, les dirigeants des grandes firmes internationales et les rentiers sont les gens qu’il protège (voir les réformes fiscales, les innovations en droit du travail). La grande majorité de la population, ouvriers et employés, cadres et dirigeants de PME, pauvres et classes moyennes sont totalement négligés. Comme jamais depuis près de 40 ans, la France a connu en novembre 2005 une telle révolte des banlieues ! Incroyable, résultat direct des erreurs de la politique sécuritaire et des provocations répétées de Nicolas Sarkozy. Lui et ses amis, François Coppée et Thierry Breton, ne travaillent même pas bien pour la défense de l’économie française. La croissance économique française est molle, alors que les firmes multinationales françaises font d’énormes profits et que si peu de cet argent ne revient à la nation française et aux français. Au contraire Nicolas Sarkozy, en pur libéral, travaille au moins d’Etat quand il s’agirait de construire une puissance publique plus efficace, moins strictement nationale mais plus internationale. Les français voient la masse des dividendes des sociétés du CAC 40, le niveau des rémunérations des très hauts dirigeants de ces sociétés. Ils voient aussi directement comme il est difficile d’obtenir pour eux-mêmes une modeste augmentation de salaires ou du travail pour leurs enfants, ils voient l’Etat de délabrement des commissariats de police ou de certains hôpitaux. Ils trouvent cela scandaleux et ne l’acceptent plus. Nicolas Sarkozy ne passera pas.
Nicolas Sarkozy, ministre, ce n’est pas l’image qu’il veut donner aujourd’hui de lui. Il cite Jaurès et Blum. Vendredi 2 mars, il participait à l’émission « le Grand Journal » sur Canal+ animée par Jacques Denisot. Des « beurs » cravatés d’une association « Bleu, Blanc, Rouge », anticlone sans doute des « Black, blanc, beur », interrogeaient le candidat Nicolas, rien que du spectacle pour du plateau de télé, lui qui est interdit de séjour en banlieue. Au cours de l’émission, un psycho-sociologue s’interrogeait pour savoir si l’ambition (implicitement problématique) de Nicolas n’était pas le fruit de son enfance : fils d’immigrés, parents divorcés, jeunesse sans présence du père … On se serait cru au tribunal de Nanterre avec un avocat plaidant l’enfance difficile de son jeune client banlieusard pour excuser son comportement a-social. Le monde à l’envers ! Nicolas faisait presque pitié, il avait son regard de chien battu. Un humoriste avait d’ailleurs lâché peu avant avec beaucoup de malice : « votez Sarkozy ! Si vous ne le faites pas pour vous, faites-le au moins pour lui ! ». C’était si juste. N’attendons rien (de bien) de lui. Mais Nicolas Sarkozy n’est pas un pauvre gosse de banlieue, il est avocat habitué aux plaidoiries, ministre de l’intérieur ou des finances depuis 5 ans, habite Neuilly et paie de l’ISF. Que de la comedia del arte !
Il est tellement de Droite, sa politique gouvernementale a été si caricaturale que même une partie de ses amis politiques le rejetait. L’unité aujourd’hui de l’UMP est de façade, l’affaire Clearstream et les moyens financiers et de contrôle qu’offre son ministère de l’intérieur explique pourquoi il ne démissionnera qu’au dernier moment. Eaux troubles !  

François Bayrou
Le cas François Bayrou. Personnellement, j’aurais volontiers laissé tranquille François Bayrou mais les sondages disent qu’il s’invite au débat, des profs et quelques cadres bobos prépareraient leur conversion au « ni droite, ni gauche ». Du coup, François y croît aussi !
Bon, voyons de plus près, Bayrou et l’UDF.
J’ai un problème avec l’UDF, je lui en veux quelque part. Trop d’ambiguïtés. Pendant combien de temps les Gaullistes et les centristes ont-ils gouverné la France ensemble ? Ce serait le divorce aujourd’hui ? Il est récent, François Bayrou depuis 5 ans râle contre le gouvernement mais n’a, de mémoire, refusé de voter le budget que cette année ! Pendant toute cette mandature l’UDF a eu un pied dedans et un pied dehors : De Robien, membre éminent de l’UDF est bien ministre de l’Education Nationale après avoir été celui des transports. Qu’en pensent les enseignants ? François Bayrou a lui aussi été ministre de l’Education Nationale entre 1993 et 1997. Il a voulu réviser les lois Falloux qui règlent les rapports entre école laïque et école privée et sinon quelles actions a-t-il mené à terme ? Personnellement, je ne veux surtout pas qu’on relance la guerre scolaire, il y a bien d’autres sujets sur lesquels concentrer notre effort ! Pendant son ministère, il a trouvé le temps d’écrire un livre sur Henri IV, un autre béarnais. Bon, des histoires de béarnais …
J’en veux aussi à l’UDF à cause du Traité Constitutionnel Européen. Comme le PS, l’UDF a toujours été pro-européenne. Giscard, le fondateur de l’UDF, avait été missionné en charge de la réalisation de ce traité : il y avait une logique. Mais le texte était si mal foutu, si provocateur sur la question de la « concurrence libre et non faussée », si difficilement modifiable qu’il a été rejeté par les français. Cela a été un si mauvais coup porté à l’Europe et à la France qui se trouve encore plus marginalisée et déconsidérée sur la scène internationale. Comment a-t-on pu en arriver là ?!
Une question se pose avec l’UDF. Avec qui gouvernerait Bayrou ? Sarkozy, encore lui, ne cherche qu’à attirer à l’UMP, les adhérents de l’UDF. Santini est le dernier à être tombé. Santini, cette personnalité si forte, cet homme du bon mot, cet homme qui a tellement rénové sa ville, lui qui avait jusqu’ici toujours résisté ! Bon sang. Voilà la vraie nature de l’UDF « ni droite, ni gauche » mais qui finit toujours à Droite ! Ne parlons pas du cas Blanc, député des Yvelines, que j’ai encore plus en travers de la gorge. Avec quels députés, avec quelle alliance d’après élection gouvernerait Bayrou ? Bayrou, Président et Sarkozy, 1er ministre, pour lot de consolation ! Un schéma non absurde sinon probable.
L’UDF avec toutes ses ambiguïtés et l’UMP avec toutes ses pressions et ses chantages sur les individus. Que du bonheur pour ceux qui aiment ce style.
Sinon l’UDF de Bayrou serait contre toute dépense dans la France surendettée. Trop endettée, la France l’est mais est-ce une raison pour ne rien faire ? Un hebdomadaire interrogeait cette semaine Xavier Timbeau de l’OFCE (Observatoire Français des Conjonctures Economiques) : pourquoi l’OFCE ne chiffre pas les programmes présidentiels, il en aurait la compétence ? Et Timbeau de répondre : « Ces chiffres sont trompeurs. Ils masquent le véritable débat de fond : peut-on engager des dépenses pour l’avenir ou non. Si c’est cela, le meilleur candidat c’est Monsieur Zéro. Des dépenses s’avèrent rentables. D’autres pas. Alors il faut les reporter. « Combien ça coûte ? », c’est pour les télévisions. Cela se veut distrayant. Ce n’est pas une méthode pour savoir si les options qui nous sont proposées par les candidats sont à la hauteur des enjeux. » Bingo ! Voilà : Bayrou ne serait-il pas un président pour rien, cinq ans de perdus ?
Au fait, Bayrou aura au moins une voix de prestige, celle de Chirac qui, comme en 1974 et en 1981, jouera contre son camp pour une raison personnelle mais obscure.
En tout cas, je défie les viroflaysiens de faire la différence entre un UMP et un UDF au Conseil Municipal.

Jean-Marie Le Pen
Le Pen encore lui ! Savez-vous quel âge a Le Pen ? Bientôt 80 ans. Il n’a plus l’énergie d’hier. Normal, alors il se ménage, il paraît moins souvent et moins agressif. Mais c’est toujours un animal politique. Toujours la même tactique. Nous sommes encore dans la phase victimisation : « l’establishment fait barrage à ma candidature, j’ai du mal à trouver mes 500 signatures, tous pourris, tous contre moi etc. » … Ses signatures, il les aura. Ce ne serait plus lui le 3ème homme mais Bayrou ? Les sondages ont toujours sous-estimés le FN parce que certains électeurs ne se révèlent pas. Il sera là, à quelle hauteur ? Méfiance.

Ségolène Royal
Ségolène, elle est depuis longtemps ma préférence à moi, je suis donc peut-être pas le mieux placé pour m’exprimer sur elle. Beaucoup de mes amis me disent : « ha bon, tu n’es pas Strauss-Kahnnien ». Non, je soutiens Ségolène depuis le début de la campagne interne au PS. Pourquoi ? Parce que je la prends au sérieux quand elle dit qu’elle veut changer la Gauche. J’aime beaucoup dans Strauss-Kahn, cette quête aussi d’un socialisme renouvelé mais il a cherché – et c’est tout à son honneur – dans la technique (socialisme de la production, égalité réelle, TVA pour l’export …). Ségolène a su donner une autre dimension à l’idée d’une gauche différente et notamment sur un point essentiel pour moi : « si vous voulez que la société française bouge dans le sens de votre intérêt et de l’intérêt national, alors bougez-vous ! ».
Pendant tout 2006, l’image de Ségolène dans la société était peut-être très haute dans les magazines et les journaux. C’était le produit (au sens marketing) politique nouveau qui pouvait bousculer le microcosme et il faisait monter les ventes de journaux : magnifique ! Pour le grand public, son image s’est troublée en janvier. Pour les militants parisiens avertis dès le meeting parisien d’octobre 2006. Mais c’est là que réside la force de Ségolène : elle a fait 60% en vote interne du PS et un très bon score dans la région parisienne, la plus dure pour elle. Elle m’a complètement bluffée, je pensais en mon fore intérieur à cette époque qu’il y aurait 2 tours en interne dans le Parti avec une issue incertaine, elle a fait 60% ! Je vous le dis : si elle a su convaincre 200000 militants politiques aguerris, elle saura convaincre les français. La décompression de janvier a été normale voire salutaire. Normal, elle dit des bêtises, fait des erreurs et l’autre, le Nicolas et sa cohorte de communicants sont là à l’affut de la moindre gaffe pour l’enfoncer. Enfin finie l’image irréelle de la madone issue d’une autre galaxie. Enfin voilà Ségolène Royal qui a une certaine idée de la France, de la Politique, de la Gauche. Comment Ségolène n’est pas infaillible ? Non, Ségolène n’est pas un produit marketing. Elle propose aux français un contrat, si vous voulez que ça change, il faudra mouiller sa chemise.
Ségolène a du caractère, vous en doutiez ? On la pressait de revoir le planning : pas question. Ce sera le 11 février et pas avant, en attendant débats participatifs. Un homme politique a-t-il vécu dans les derniers 12 mois une telle pression politique et personnelle que Ségolène lorsqu’elle s’est présentée devant plus de 10.000 socialistes survoltés à Villepinte le 11 février dernier ? J’étais juste à côté de l’estrade derrière Ségolène avec Benoît. Bon sang, il fallait un sacré courage. Il fallait entendre les jeunes du MJS avec leurs slogans tonitruants. Ne pas décevoir leur dynamisme et passer tous ces rangs de militants chevronnés pour que vos paroles atteignent là-bas, les derniers arrivés. Le débat télévisé sur TF1, une autre épreuve. Elle s’est imposée. Une audience supérieure à celle de Sarko ! Le pays attend Ségolène, il veut y croire. En province, les meetings font le plein comme jamais. Et si les français sortaient de leur torpeur ? De leur attente les bras croisés pour mouiller leur chemise ? Aujourd’hui tous les socialistes, les éléphants et la jeune garde sont rassemblés. La démocratie interne au sein du PS, c’est bien, c’est beau mais ça fait forcément des dégâts, des frustrations, des sourires crispés. Il faut laisser le temps au temps comme disait … François Mitterrand. Bonjour, Lionel ! Pour rénover, il faut rassembler tous les siens. C’est fait. Nous pouvons maintenant passer aux choses sérieuses : projet contre projet. Le changement, la rupture. D’accord, mais au profit de qui ? Pour une société plus solidaire ou pour une société du chacun pour soi ?
Certains se foutaient de la démocratie participative de Ségolène tout en soulignant son autoritarisme. Soyons clairs. Il y a un temps pour le débat puis il y a le moment de la décision. Pas de politique sans action, sans décision.   

Conclusion :
Conclure ? C’était dimanche matin au marché, les « jeunes populaires » étaient-là à Viroflay avec leurs tee-shirts blancs SarKo. Un jeune se présentant de Science-po, les filmait distribuant des tracts ou discutant avec une vieille dame. Ils voulaient m’interviewer pour enregistrer ce que je pensais des « jeunes populaires » de l’UMP, moi le socialiste. Vous rigolez  je ne vais pas contribuer à votre politique spectacle démagogique.
Mais ce que je pense, je vais vous le dire :
1/ Sarkozy, pour moi, c’est le totalitarisme près de chez vous, de chez nous. Le temps d’une campagne ? Pas sûr, monsieur le ministre de l’intérieur …
2/ A tous ces jeunes issus des banlieues, beurs ou noirs, qui grâce à leur intelligence personnelle ou à la discrimination positive, fréquentent aujourd’hui Science-po ou la Catho et qui s’affichent avec SarKo ou Le Pen (dernier must pour certains !), à tous ces moins jeunes issus de l’immigration qui ont pu créer leur commerce, s’insèrent dans la société française grâce à leur travail et aux opportunités entre-ouvertes par cette société française démocratique et qui pestent contre l’immigration et ces jeunes révoltés de banlieues qui les décrédibilisent, à vous tous, s’il vous plaît, un peu de solidarité.
Vous en avez bavez, vous, vous en êtes sortis, un peu de fraternité ! Faites gaffes, on vous instrumentalise ! Aujourd’hui on vous filme et demain ce sera le karcher pour votre cousin ! Maintenant, faites comme vous voulez, vous êtes des hommes libres mais moi je préfère faire du porte-à-porte avec les jeunes du MJS.

Publié dans Paroles d'Yvelinois

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M
On peut être opposé à Sarkozy....mais prétendre que c'est le totalitarisme n'a aucun sens et fait perdre toute crédibilité à votre analyse. Nous sommes dans une démocratie (certes non dénuée de défauts) et les trois principaux candidats sont des démocrates et des républicains.
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