Paroles d'Yvelinois

Publié le par Martine

Quelle politique économique pour la France ?

La Fédération des Yvelines du Parti Socialiste a voulu introduire la campagne officielle par 2 réunions publiques départementales. La première s’est tenue le 3 avril salle Jacques Brel à Mantes autour notamment de Pierre Mauroy, la seconde le 4 avril, à Versailles, au Centre Huit avec Michel Sapin, ancien ministre sur le thème : « quelle politique économique pour la France ? ».

 

On connaît la rengaine : la Droite libérale au pouvoir contribue au développement économique alors que la Gauche solidaire au gouvernement dilapide les gains précédemment réalisés. Bref, la Gauche ne serait là que pour vider les caisses de l’Etat. Sauf que la réalité des faits affiche exactement l’inverse : la croissance économique est forte et supérieure à la moyenne européenne sous les gouvernements de Gauche (cf gouvernement Jospin) et faible ou « molle » sous les gouvernements de Droite (cf Balladur, Juppé, Raffarin, Villepin) ; la dette publique a – quant à elle - dépassé le plafond fixé par le pacte de stabilité et de croissance sous le gouvernement Raffarin. CQFD. Tout cela est-il le fait du hasard ?

Autre argument souvent entendu : la politique ne peut plus influencer l’économie ; d’ailleurs, Jospin lui-même ne l’aurait-il pas reconnu devant les salariés de Lu-Danone en 2001 ? Quant à la Droite, son credo libéral du « moindre Etat » n’a-t-il pas fait dire à Nicolas Sarkozy au début de la crise Airbus : « laissons faire les industriels que les politiques ne s’en mêlent pas » !

Gauche – Droite : Deux projets politiques, deux politiques économiques

Allons rapidement à l’essentiel quitte à paraître caricatural.

Quelle est la problématique de la Droite libérale dépouillée de tous ses oripeaux issus de ses origines gaullistes, telle que l’incarne franchement Nicolas Sarkozy et à mots plus couverts François Bayrou (ni-ni) ? La problématique principale ? Satisfaire les désirs des détenteurs de capital. C’est le projet libéral de Nicolas Sarkozy.

Quelle est la problématique de la Gauche Solidaire – et ses lettres de noblesse – telle que l’incarne Ségolène Royal et l’exprime le « Projet Socialiste pour la France » ou « les 100 propositions du Pacte Présidentiel pour la France » ?

-Améliorer la vie des millions de français, des plus démunis, des plus pauvres aux classes moyennes qui travaillent dure et dans l’incertitude du lendemain.

-Dans une France riche et de plus en plus riche, réduire les inégalités entre ses habitants.

Objectif noble mais pas si facile que cela à atteindre et pour plusieurs raisons.

La réforme de la société française se heurte à 2 difficultés principales :

-le monde bouge très rapidement et exige de la Gauche de nouvelles réponses techniques, pas toujours faciles à déterminer

-le « Politique » a ses propres limites qui peuvent soit ralentir sa volonté réformatrice soit carrément le détourner de son objectif

Ségolène par rapport à ces difficultés, nous offre 2 réponses pertinentes.

Les limites du « Politique » à dépasser

Oserais-je dire que les citoyens depuis une trentaine d’année ont laissé une trop grande marge de manœuvre aux politiques et, plus généralement, aux décideurs si l’on y inclut les dirigeants d’entreprise ? C’est pourtant la réalité. L’exercice du pouvoir citoyen ne peut pas se limiter au bulletin de vote, au zapping électoral, à l’abstention, à quelques poussées revendicatives ou quelques grandes manifestations épisodiques dans la rue voire à la grève par procuration. Ce mode de fonctionnement est incompatible avec une société moderne qui veut que tous ses citoyens participent et profitent de la richesse produite.

Lisez les propositions du Pacte Présidentiel ou le livre de Ségolène « Maintenant » et vous verrez très clairement apparaître la méthode Ségolène de transformation sociale. Elle est effectivement résumable par l’expression : « démocratie participative ». Les citoyens doivent plus s’impliquer, plus participer aux débats, plus s’engager dans l’émergence des propositions, plus vérifier l’action portée par leurs représentants politiques ou syndicaux. Le renouveau de la société française est à ce prix, à cette condition expresse. Un Président ne peut pas tout résoudre seul, pas plus qu’un gouvernement ou même une majorité politique … Dans un monde qui bouge tant, pour trouver les nouvelles réponses concrètes, l’engagement citoyen et la mobilisation de l’intelligence collective sont nécessaires, leurs formes en sont multiples du jury citoyen à la syndicalisation massive en passant par le mode associatif.

Ce monde qui  bouge tant et si vite !

Pour beaucoup d’Hommes dans le monde, la mondialisation est une chance : au niveau mondial, la pauvreté recule, l’accès à l’éducation et à la santé progresse, la consommation s’élargie. Très bien mais aussi très mal : beaucoup restent étrangers à ces progrès, de nouveaux pauvres apparaissent notamment dans les pays développés et riches comme la France. Le progrès technique déqualifie très rapidement certains salariés, les pays à bas coûts salariaux viennent concurrencer les travailleurs des vieux pays développés comme la France.

Avec l’augmentation de la production mondiale, s’accroissent aussi les risques d’épuisement des matières premières et énergétiques, de pollution, de mutation climatologique, végétale et animale. Laissons de côté tous les prophètes du déclin français et de la décroissance mondiale !

C’est vrai, après 5 ans de pouvoirs sans partage, la Droite française laisse un pays avec une croissance molle – mais croissance tout de même –  un pays encore plus endetté et très mal vu sur la scène internationale. Le bilan de ces 5 dernières années est dramatique. Cinq années pour rien disent certains ? Dans le meilleur des cas ! Pour beaucoup de français, leur situation personnelle s’est dégradée. Les différents gouvernements de M. Chirac n’y seraient pour rien ? M. Sarkozy ministre de l’intérieur ou des finances mais toujours ministre d’Etat n’y serait pour rien ?

Des politiques économiques contradictoires

La politique économique de la Droite Sarkoziste

Elle est claire, dans la pure tradition libérale, d’un Reagan ou d’une Thatcher hier, des néo-conservateurs autour de Bush 2 aujourd’hui.

Objectif : enrichir toujours plus les détenteurs de capitaux, bien sûr, en masquant ce but sous un discours sur le contexte mondial difficile …

Pour atteindre cet objectif, il faut que les entreprises aient des résultats toujours plus élevés pour permettre des distributions de dividende toujours plus importantes et créer « de la valeur action » comme on dit aujourd’hui, c’est-à-dire permettre de réaliser des plus-values confortables sur les cessions d’actions.

Pour cela, il faut le minimum de coût possible :

-donc le moins possible d’investissements notamment à long terme, notamment en recherche fondamentale, aucune motivation particulière pour l’investissement environnemental …

-donc le moins possible de coûts salariaux. D’où, les licenciements boursiers (l’entreprise n’est pas en difficulté financière mais licencie pour accroître le rendement par action). D’où les mesures visant à rendre plus variables les coûts salariaux : développement des CDD, de l’intérim, de la sous-traitance. D’où des salaires de base fixes les plus faibles possibles et le développement des primes ou intéressements ou participations liés à la productivité … D’où le slogan de Sarkozy « travailler plus pour gagner plus », plutôt qu’augmenter les rémunérations.

-Donc le moins possible de charges sociales obligatoires (couvrant la maladie, la vieillesse des salariés), d’où ses salaires sans charges sociales, cette prime Sarkozy 1000 € déchargée, ses franchises médecins ou hôpitaux non remboursées, d’où les déficits des organismes sociaux non contrôlés afin que les salariés se couvrent éventuellement grâce à des assurances individuelles …

-Donc le déblocage anticipé possible de la participation des salariés acquise pour maintenir la consommation sans octroyer de salaires supplémentaires.

-Donc le moins d’Etat ou de puissance publique possible qui est à la fois grand consommateur d’argent et dont l’action dans le domaine économique ou de la redistribution est contestée.

-Donc le moins possible de pression fiscale sur les revenus ou les patrimoines les plus élevés. D’où tous les systèmes développés depuis 5 ans : exonération des plus values immobilières ou sur cession d’actions, bouclier fiscal, réduction de l’impôt sur les revenus (essentiellement les plus élevés) … Politique dont la poursuite est promise : renforcement du bouclier fiscal, exonération des droits de succession …

Il faut en fait, d’un côté, garantir à l’actionnaire un dividende et une plus-value de plus en plus élevée et de plus en plus stable, et, pour cela, d’un autre côté, rendre de plus en plus faible et variable la masse salariale c’est-à-dire précariser le salarié.

C’est une politique dite de « l’offre » qui néglige le développement économique à long terme et le fait que la croissance économique est liée en grande partie à la consommation voire aux grands projets d’équipement. Cette politique tente de réduire l’écart entre les salaires des chinois/indiens et des pays occidentaux en pressurisant les salaires des pays développés et en y conservant une main-d’œuvre non qualifiée mais élevant le coût du dividende. Comme dit Michel Sapin : « c’est une politique par le bas ». C’est une politique d’argent facile à court terme pour quelques-uns qui fait extrêmement peur aux économistes les plus indépendants.

La politique économique de la Gauche avec Ségolène

Sa politique s’inscrit dans la tradition de Gauche : produire pour satisfaire les besoins du plus grand nombre mais aussi – et cela est nouveau – produire en prenant en considération la question environnementale. Le projet économique de Ségolène Royal et du Parti Socialiste se situe clairement dans une logique de « développement durable » c’est-à-dire dans le cadre d’un développement équilibré entre croissance économique, progrès social et protection de l’environnement. C’est aussi un projet qui se veut réaliste en prenant en considération les deux contraintes actuelles que sont : la pression mondiale des pays à faible coût de main-d’œuvre et l’état des finances publiques héritées des gouvernements précédents.

-donc une politique en faveur du « pouvoir d’achat garanti » et du « travail pour tous » qui remplit le double objectif de favoriser la croissance économique et d’améliorer, de sécuriser les revenus, en particulier des plus faibles. D’où l’augmentation du Smic à 1500€ le plus tôt possible, la valorisation immédiate des petites retraites (+5%), le doublement de l’allocation rentrée … D’où aussi une série de mesures visant à contenir les dépenses familiales : le bouclier logement, la lutte contre le surendettement, la réduction des frais bancaires … D’où encore l’idée de moduler les aides aux entreprises et les cotisations sociales en fonction de la précarité des contrats de travail et des emplois ou d’assurer une sécurisation des parcours professionnels ou la formation tout au long de la vie pour maintenir l’employabilité des salariés face aux innovations technologiques. D’où la création d’un droit au 1er emploi pour les jeunes. Oui à la mobilité professionnelle, non à l’insécurité, à la précarité professionnelle. Oui à une politique sociale non à l’assistanat.

-Donc une politique sociale basée sur la négociation et le compromis et non plus sur la confrontation et l’affrontement. D’où cette proposition de « conférence nationale périodique sur les salaires, les revenus et la croissance » visant à définir régulièrement le partage des fruits de la croissance entre travail et capital.  D’où aussi cette idée de généraliser le principe des accords majoritaires, la syndicalisation et d’étendre les domaines de la négociation à tous les niveaux …

-Donc une politique en faveur de la croissance, une croissance utile au plus grand nombre. D’où l’investissement massif dans l’innovation et la recherche afin de conserver notre avancée technologique et notre capacité à vendre (et donc à acheter) sur les marchés internationaux. D’où la mise en place d’une politique industrielle préparant l’avenir et prévenant les délocalisations. D’où le soutien aux PME innovantes et créatrices d’emplois. D’où cette proposition d’impôt sur les sociétés différencié selon que le bénéfice est réinvesti dans l’entreprise ou distribué aux actionnaires. D’où la construction de 120.000 logements sociaux par an : du travail en France et une pression relâchée sur le prix de l’immobilier.

-Donc une réforme de l’Etat, non pour réduire la puissance publique mais pour la rendre plus simple, plus rapide, plus transparente, plus efficace. D’où une nouvelle étape annoncée dans la décentralisation, vers la régionalisation, le non-cumul des mandats, une part de proportionnelle au Parlement …

-Donc une politique environnementale d’excellence mise en œuvre par un vice-premier ministre au DD (demande de Nicolas Hulot). L’environnement conçu aussi comme une nouvelle opportunité pour la croissance économique. D’où les projets d’énergies renouvelables, la constitution d’un pôle énergétique public. D’où la généralisation de l’isolation thermique et des économies d’énergie. D’où les incitations financières d’un transfert du fret vers le rail par une éco-redevance sur les camions.  D’où l’instauration du principe pollueur-payeur.

-Donc aussi une politique mobilisant l’Union Européenne pour répondre aux nouvelles exigences de la mondialisation. D’où la proposition de mise en place de politiques communes ambitieuses en matière de recherche/innovation, d’énergie, d’environnement. D’où l’idée d’aller vers un « protocole social » homogénéisant et tirant vers le haut le niveau de vie et la protection sociale. D’où la volonté de redéfinir les objectifs de la BCE vers la croissance et l’emploi.

-Donc une politique internationale réorientée vers le co-développement, le développement durable (OMC avec des normes sociales et environnementales), l’instauration d’une taxe sur les flux financiers.

La politique économique de Ségolène est une politique exigeante mais la seule porteuse d’avenir. C’est « une politique de la demande » qui mise sur l’augmentation du niveau de vie du plus grand nombre comme facteur de croissance, qui s’appuie aussi sur une croissance régulée par les nouvelles contraintes environnementales et de concurrence mondiale. Elle mise sur le dynamisme des entreprises, des entrepreneurs mais aussi sur une juste répartition des fruits de la croissance. Elle mise sur des entreprises « sociétalement responsables », sur des entreprises citoyennes. Pari fou ? Non, les entrepreneurs sont aussi des pères de famille, des citoyens. Comme l’a dit Michel Sapin à Versailles, la Gauche avec Ségolène propose une « sortie par le haut », c’est une voie difficile, du « donnant-donnant » comme le dit souvent Ségolène.

Finalement, le projet Sarkozy au dehors d’une pseudo-fermeté médiatique, d’une agitation elle aussi purement médiatique, est un projet de la facilité : le moins d’intervention de la puissance publique réduite à ses fonctions de maintien de l’ordre et une répartition de la richesse nationale laissée à l’initiative des plus puissants. Un projet simpliste qui tourne le dos au développement – durable.

Ségolène veut moins de laissés-pour-compte et moins de privilégiés, elle veut « l’ordre juste » et « redonner un désir d’avenir », le « respect pour tous, le progrès pour chacun ». Elle reconnaît « nous avons connu trop de promesses et d’occasions manquées » pour affirmer « je veux que cette élection présidentielle soit utile ». « J’ai toujours agi avec lucidité et animée par une morale de l’action. Mes bilans le prouvent. Je ne suis liée à aucune puissance de l’argent, aucun lobby, aucun groupe d’intérêt, je n’ai personne à placer.

Publié dans Paroles d'Yvelinois

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
L
Le livre censuré de Serge Portelli  <br /> pour  info le livre sur le bilan de Sarkozy , vient d'être interdit de sortie…L'éditeur Michalon aurait subi des pression pour ne pas mettre en vente le livre de Serge Portelli, membre du syndicat de la magistrature, vice-président au tribunal de Paris, président de la 12e Chambre correctionnelle, auteur de nombreux ouvrages,<br />  <br /> <br /> Pour télécharger Le livre  gratuitement                  site<br /> En cas de problème de téléchargement et face à la censure qui sévit en ce moment dans ce pays, je vous enverrai gratuitement par mail l'ouvrage au format pdf. Cordialement.<br /> <br /> Nous conseillons la lecture de Ruptures, le livre de Serge Portelli sur la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy, tout particulièrement le chapitre IV ... Il doit donc être diffusé par internet, pas encore sous total contrôle.<br />  <br /> <br /> Ce qui se passe est désormais gravissime.<br /> Merci de faire passer ce document à tous vos bons contacts, à lire, à Diffuser. http://groupemanouchian.oldiblog.com/<br />  <br /> <br /> <br />  <br />
Répondre
L
Voilà une synthèse remarquable et un programme très complet. Pour s'attaquer aux inégalités, il existe une solution technique et politique: remettre à plat la fiscalité, en s'attaquant aux cadeaux fiscaux, en réduisant la TVA  à 16%, en revenant au barême de l'I.R. de 1989. Transférer de l'impôt des bas revenus vers les hauts revenus, cela favorise la consommation donc la croissance; et cela peut être payant sur la gauche. <br /> Cf à ce sujet mon blog et mon livre "L'économie en trompe-l'oeil", Ed. l'Harmattan
Répondre