Ségolène Royal: « Nous devons résister »

Publié le par Martine DA78

Journal "Le Parisien" mercredi 22 avril

 

 

La présidente de la région Poitou-Charentes maintient ses critiques vis-à-vis de Sarkozy. Selon elle, le chef de l'Etat dirige une « République affaiblie ».

Pourquoi avoir présenté des « excuses » à José Luis Zapatero ?
Ségolène Royal. C'était naturel pour moi, c'est ma vision de la politique. D'abord parce que José Luis Zapatero est un ami. Et j'ai senti la nécessité de mettre un coup d'arrêt aux dérapages verbaux permanents qui s'exercent non seulement à l'égard des personnalités étrangères (Barack Obama et Angela Merkel sont également ciblés par Nicolas Sarkozy), mais aussi à l'égard des Français. C'est la même arrogance, la même impolitesse. Il faut que cela s'arrête. Le jour où Nicolas Sarkozy changera de mode d'expression, apprendra à respecter les autres, je n'aurai plus l'occasion de m'excuser, de demander pardon. Mais tant qu'il continuera, je continuerai à défendre la république du respect !

On vous reproche d'avoir réagi à des propos qui ont été rapportés et déformés...
Nicolas Sarkozy, qui reçoit les journaux étrangers j'imagine, aurait dû dire tout de suite que si ces propos avaient été mal interprétés, il s'en excusait. C'était simple. Ce qui est en jeu, c'est l'image de la France. Entre les insultes au Salon de l'agriculture, les insultes aux autres chefs d'Etat... C'est une atteinte portée à nos intérêts, car dans la crise économique, on a besoin d'un pays pris au sérieux.

Vous avez provoqué un tollé à droite...
Mais dans quels régimes dit-on d'une opposante qu'elle est folle, pour la faire taire quand elle dérange ? Dans un régime démocratique ? Pour déconsidérer une pensée, on déconsidère la personne qui la porte. Les politiques doivent donner l'exemple. Que se passerait-il si un jeune s'adressait à un policier dans les mêmes termes que M. Lefebvre ? Il serait puni pour injure publique. Est-ce qu'un responsable politique peut se comporter comme un voyou ? Il n'y a aucune attaque personnelle contre le chef de l'Etat. Si cela fait tant de bruit, c'est parce que c'est une autre façon de faire de la politique. Quoi de plus pacifique que les excuses ou le pardon ?

Nicolas Sarkozy va fêter ses deux ans à l'Elysée. Comment qualifieriez-vous sa présidence ?
Comme une République affaiblie. Affaiblie dans chacun de ses principes, dans ses libertés d'abord. Les institutions fonctionnent mal, les juges se disent déconsidérés, il y a une tutelle sur l'audiovisuel public. L'égalité a aussi beaucoup reculé. On assiste à une grande paupérisation des services publics, dans l'Education, la Recherche, la Santé... Enfin, il y a un affaiblissement de la fraternité. Nicolas Sarkozy ne veut pas revenir sur le bouclier fiscal, et cette injustice fait que les Français ne peuvent plus accepter les sacrifices, quand tant d'autres brassent des milliards en toute impunité. On est en état de prérévolte, comme l'a dit à juste titre Dominique de Villepin. Je ne suis là pour souhaiter ni la révolution ni des émeutes sociales. Mais ce que je veux dire aux Français c'est que nous devons résister.

C'est-à-dire ?
La résistance aux injustices est un combat qui doit rassembler même ceux qui ne se sentent pas aujourd'hui menacés. Tous ceux qui se sentent piétinés, bafoués, humiliés ne doivent pas se laisser faire. Si les ouvriers d'Heuliez n'étaient pas descendus dans la rue, le gouvernement n'aurait pas bougé. Quand les gens font du bruit et exigent d'avoir des informations, des solutions sont à ce moment-là parfois trouvées. Mais tous les autres ? Et les entreprises qui disparaissent dans le silence ? Nous devrions être nombreux à être la voix des sans-voix, broyés par un système qui ne se réforme pas.

Appelez-vous à un vote sanction contre Nicolas Sarkozy le 7 juin aux Européennes ?
Oui, comme l'a très bien expliqué Benoît Hamon, porte-parole du PS !

Vous voyez-vous comme la première opposante à Nicolas Sarkozy ?
J'ai été candidate à la présidentielle, je n'en fais pas une profession et je ne suis pas obnubilée par la suivante contrairement à ce que pensent mes détracteurs. Je n'ai pas besoin de me donner d'étiquette ou de rôle. Je suis l'une des voix politiques qui portent. Mon obsession ce n'est pas Nicolas Sarkozy ! Ma préoccupation c'est de voir que la France décline et que les Français souffrent de plus en plus. Cela, ça me fait mal car je sais qu'il pourrait en être autrement, avec une autre politique. Je parle et j'agis pour que la France se redresse.

 

Publié dans Revue de presse

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